Le matériau du monde
Il y a deux façons d’être artiste : la première consiste à décrire le réel avec sa propre vision, la deuxième consiste à intégrer le réel à ses œuvres. Serge Griggio, artiste à part entière utilise les deux. La pierre – roc, rocher, caillou – est la matière du monde, c’est sur elle que nous vivons, avec elle que nous bâtissons. Nous la creusons, la taillons, la polissons, nous lui donnons les formes adéquates à nos besoins. Griggio à l’inverse la prend comme elle est. Il court la garrigue à la recherche de pierres et avec elles il construit ses sculptures, il les met en scène, comme s’il nous disait : voilà le monde, faites-en ce que vous voulez. Mettre en scène un bloc de pierre, c’est l’extraire de sa condition ordinaire, de sa condition matérielle, pour lui donner une envergure nouvelle et donner au spectateur la possibilité d’un regard nouveau sur les choses.Car c’est au spectateur aussi – le regardeur – de se construire son univers mental à partir des propositions de Griggio. Lignes de fuite, guerriers, fil à plomb, les titres qu’il donne ne sont que des perspectives possibles dans le labyrinthe des possibles. Rien n’est neutre semblent nous dire ces œuvres, chaque pierre du monde en est une composante unique, comme chaque grain de sable pourrait être la métaphore d’un univers à lui seul.
Texte de Gilles Moraton